Rebondissement
En fait, ce midi, donc juste après avoir écrit la note précédente, mes parents ont remarqué que ça n'allait pas. Mon père a dit que je devais avoir un problème, une angoisse, une grosse perte de moral, une dépression, ou un truc du genre... Donc j'en suis venue à pleurer, à leur dire que c'était vrai et que ça n'était pas nouveau, etc. J'ai déjà parlé plusieurs fois de mes angoisses avec mes parents. Au quotidien, j'en parle pas vraiment, mais parfois, quand ça ne va pas du tout, je n'en peux plus, je me lâche, et alors ça fait de grosses discussions qui durent longtemps.
J'ai de la chance d'avoir des parents comme ça (je n'ai pas oublié pour autant le coup de colère de mon père l'autre jour !). Ils s'intéressent vraiment à moi, ils sont loin d'être bêtes. Ils ont vu que j'allais vraiment mal et m'ont dit que cela les dépassait, qu'ils étaient toujours là si je voulais parler, aussi longtemps que je le désirais, mais qu'ils avaient l'impression de ne pas pouvoir m'aider. Donc ils ont dit - et même mon père, alors là j'hallucine, c'est qu'il doit vraiment trouver ça grave ! - que je ferais mieux de prendre rendez-vous avec un psychologue, pour qu'il m'aide à me recentrer et à trouver en moi l'énergie nécessaire à mon épanouissement.
C'est vrai, je viens de réaliser quelque chose : merde, j'ai vingt ans, et je me pourris la vie à être obsédée par le temps qui passe, la vieillesse, la décrépitude, la mort etc. J'ai vingt ans et je pense comme si j'en avais quatre-vingt. Moi qui suis constamment terrifiée dans ma vie à l'idée de perdre du temps, je gâche mon temps à être triste. De toute façon, c'est comme ça et pas autrement. Ca me fait penser à cette pub à la radio pour la dépression... La femme dit : "Je me disais : le monde est triste, donc je suis triste, c'est normal... Mais non, ce n'est pas normal." Ca me revient souvent dans la tête. Je me suis souvent demandée si j'étais dépressive. Ces derniers mois, je pense encore plus que d'habitude à la mort. J'ai déjà eu des sortes de pulsions, et en même temps c'était comme si je sortais de mon corps, que j'étais dans un état second : j'allais inspecter le contenu de l'armoire à pharmacie, juste comme ça, pour prévoir, au cas où... Mais il n'y a pas grand chose d' "utile" : surtout des comprimés pour la tête ou des sirops...
J'ai aussi déjà écrit ce que j'appelle ma "Lettre aux survivants". J'ai conscience à quel point tout cela peut paraître puéril. Je brûlais d'un besoin d'écrire cette lettre alors j'ai fini par le faire. Elle est dans mon carnet d'écriture. Je voulais l'écrire pour laisser quelque chose au cas où j'aurais vraiment le courage de passer à l'acte, et dedans j'explique bien que personne ne doit se sentir coupable, que le problème venait de moi et non pas des autres. Partant de là, je conclus qu'ils n'ont aucune raison d'être tristes, et que je n'étais tout simplement pas faite pour vivre vieille. Ca peut paraître vraiment débile. En plus, quand je l'ai eu finie, je me suis sentie euphorique. Trop bizarre.
J'ai parlé de ces idées morbides à mes parents (pas de la lettre, pas quand même, parce que j'ai bien conscience que ça a un côté ridicule voire inquiétant). Ils ont paniqué, mon père a voulu que je promette d'abandonner ça tout de suite. Il était très sérieux et très inquiet. Et il a vraiment insisté pour que je prenne rendez-vous avec un psychologue. Bien sûr, ça fait très longtemps que j'y pense et que j'en ai envie, parce que je pense vraiment que ça pourrait me faire du bien. Mais en même temps, j'ai peur... J'ai l'impression que je n'ai aucune raison objective d'y aller, et aussi que ça ne servira à rien. Les réponses sont en moi. Personne ne pourra dire à ma place ce que j'aime et ce que je veux faire. Mais j'en suis à un stade où je ne sais même plus ce qui me plaît.
En fait, mon problème, mes parents l'ont bien compris, et je le connais moi-même. Il est entièrement lié à mon avenir. Pourquoi est-ce que je m'angoisse autant ? Après tout, il n'y a pas de raison que je ne trouve jamais de boulot... Si je cherchais, je pourrais en trouver. Mais mon problème, c'est que je voudrais vraiment vivre avec passion ce que je fais. Je voudrais avoir une vocation, être vraiment douée pour quelque chose au point de m'y investir complètement... Oui, je voudrais avoir une vocation. Et ce qui me tue et que je ne peux pas supporter, c'est de ne pas en avoir.
Mes parents pourtant m'ont rassurée... Ils m'ont dit qu'il ne fallait pas tout confondre... Que la plupart des gens aimaient ce qu'ils faisaient, ce n'est pas parce qu'ils se plaignent ou râlent ou sont contents d'être en week-end qu'ils détestent leur boulot.
Du coup ça m'a fait un peu réfléchir. A force de chercher LE truc parfait, qui n'existe pas, qui n'a même pas forme dans mon esprit, et bien rien ne me satisfait, rien ne me correspond. Je suis idéaliste mais paradoxalement, je suis vide à l'intérieur.
Voilà... Je ne sais pas si je vais concrétiser cette rencontre avec un psychologue. Ca me fait peur. Mais c'est vrai que maintenant que j'y pense, je vis depuis longtemps dans une sorte de mélancolie perpétuelle, une angoisse existentielle de fond, latente... Parfois j'arrive à l'oublier, à l'étouffer, mais elle n'est jamais loin et je suis très facilement au bord des larmes. Il suffit d'un rien pour que tout rejaillisse. Je ne sais pas si elle me quittera un jour.
Bon allez, vraiment désolée d'être aussi bavarde... Je vous laisse ce coup-ci ! Merci pour ceux qui sont arrivés jusqu'ici - s'il y en a. Re-bizoux.